Lorsque des étrangers arrivaient au lac Kostha-Merma, au bout du fleuve appelé Dent-d'ours, ils leurs fallaient prendre un pierre, frapper la falaise près de la chute et crier :
"Ai varden abr du Shur tugals gata vanta !"
Pénétrant dans la bouche de la vallée, tous voyageurs se rendaient compte que, bien qu'elle parût n'être qu'un corridor encaissé entre les pics, elle était aussi large que bien des vallées que l'on aurait pu trouvé dans la région de la Crête par exemple. Seule l'énormité des montagnes, avec ses arrêtes et ses ombres, lui donnait cet aspect confiné. Des torents cascadaient le long de ses flancs abrupts. Le ciel était réduit à une fine bande venteuse. Du sol froid et humide montait un brouillard collant qui glaçait l'air, au point que le souffle des voyageurs se changeaient en buée. Des champignons vénéneux aux teintes rouges et jaunes poussaient sur les morceaux de bois tombés qui pourrissaient.
La formule prononcée, un énorme porte de pierre à deux battants s'ouvrait dans la falaise, révélant un vaste tunnel d'une trentaine de pieds de large, s'enfonçant dans les profondeurs mystérieuses de la montagne. Des lampes où ne brûlait aucune flamme baignaient le corridor d'une pâle lueur saphir qui se reflétait dans le lac.
Une fois entrés, tous les étrangers étaient emmenés à travers un étroit couloir. Tous passaient devant la statue d'un animal doté d'épais piquants. Puis, le corridor tournait brutalement sur la gauche puis sur la droite pour arriver dans une salle nue, assez grande pour qu'un dragon puisse s'y mouvoir à son aise.